SOSNOTAIRES.COM
et la bibliothèque de formules

CONSTAT

Du cousu main au prêt à porter
En à peine une génération, nous sommes passés du cousu main au prêt à porter.
Sans remonter à l'époque où nos actes étaient "faits" entièrement à la main (avec, souvent des copies superbement calligraphiées), il y a encore à peine une génération, ils étaient rédigés à la machine à écrire, ainsi que les copies, qu'il fallait "collationner" (une personne lisant à toute vitesse la copie, pendant qu'une autre essayait de suivre sur l'original que tout était conforme).
C'était le règne de la "sténo-dactylo", où la vitesse de frappe (sans fautes) ou de prise de notes en sténo, et l'ortographe étaient un critère d'embauche.
Deux premières modernisations sont intervenues, afin de nous faire gagner du temps :
-l'utilisation d'actes pré-imprimés (le vendeur pouvait venir, notamment les jours de marché, avec son titre et l'acquéreur, l'acte de vente était "complété" et signé "sur le champ"),
-les copies furent réalisées par stencils, ou par développement "à l'ammoniac" (c'était très bon pour les poumons du saute-ruisseau).
Puis, avec l'apparition des premiers photocopieurs (à peau de chat), nombreux se sont mis à pratiquer le "copier-coller", bien avant l'heure, avec une paire de ciseaux et du scotch, jusqu'à l'apparition des premières machines à "traitement de texte", où l'on pouvait déjà commencer à stocker ou assembler (en aveugle, ou ligne par ligne -les écrans n'existaient pas encore-), quelques clauses.
Ce n'est qu'il y a à peine 20 ans que les premiers ordinateurs sont apparus dans nos offices, en majorité des APPLE II, quelquefois COMMODORE, ATARI ou AMSTRAD (pour les nostalgiques), tous incompatibles, ces derniers disparus au profit de ce que l'on a appelé le "compatible PC".
Les actes étaient alors réalisés en repartant d'un acte déjà fait, avant que se mettent en place des cadres ou matrices, propres à chaque office. On ne parlait pas encore de bibliothèque de formules, et encore moins de "bible".
Puis c'est par la comptabilité que l'informatique est venue en masse dans nos offices, et que les SSII ont commencé à devenir nos partenaires, certaines à l'instigation de notaires.
Quelques gros systèmes ont fait leur apparition, vite supplantés par ce que l'on a appelé la "micro-informatique", avec seulement un ou quelques "micros" par office, non reliés. L'échange de disquettes régnait en maître. Quelques bibles, proposées par des groupes de notaires ont commencé à se mettre sur pied.
On peut dire que, jusqu'à cette époque, les clercs et le notaire maîtrisaient encore parfaitement le contenu des formules, et "savaient ce qu'il y avait dedans". Nous n'étions plus tout à fait dans le cousu main, mais dans le prêt à assembler avec finitions manuelles.
Ce n'est qu'avec l'apparition des réseaux que les méthodes de travail se sont mises à évoluer. On ne partait plus d'un cadre d'acte, mais de fichiers à compléter, l'ordinateur se chargeant de créer l'acte. C'est ce système qui s'est généralisé, avec, au fur et à mesure, de nouvelles fonctionnalités.
Et là, nous sommes vraiment tombés dans le prêt à porter "de masse".

De l'indépendance à la dépendance
Chaque office disposait de ses formules "maison". Cela ne se justifiait pas obligatoirement en théorie, mais permettait de tenir compte des habitudes de travail de chacun, et, pour certains types d'actes, d'habitudes et de traditions régionales.
Et l'office pouvait facilement modifier ses "cadres d'acte" : il les connaissait parfaitement, et savait ce qu'ils contenaient, et où trouver chaque clause. Il est vrai que des modifications n'étaient pas continuelles, et qu'un office pouvait parfaitement assurer la "maintenance" de ses formules, en recopiant (ou en adaptant -on savait encore le faire-), des clauses reprises ici ou là, dans des revues juridiques.
Les choses ont complètement changé : quasiment plus personne n'est capable de modifier ses formules, lesquelles ne sont devenues que l'assemblage de multiples clauses imbriquées.
Pourtant, cela est généralement réalisable, et nous ne manquons pas d'en demander confirmation à nos concepteurs de "bibles". Mais :
-s'il est possible de modifier la rédaction d'une clause, il est quasiment impossible de modifier la structure d'un acte ou l'enchaînement des clauses, à peine de détruire l'édifice,
-les modifications apportées seront souvent écrasées et annulées à l'occasion d'une future mise à jour, sans que l'on en soit informé ni prévenu.
Enfin, et ce n'est pas le moindre, chaque SSII a "son" système, "sa" bible, et il est impossible de passer de l'un à l'autre, tout étant incompatible (structure, organisation, fichiers), et ce n'est pas l'adoption généralisée (pour quelle raison, d'ailleurs?), d'un traitement de texte (mondial et payant), qui peut changer les choses.
Nous sommes donc devenus totalement dépendants de nos bibles et des formules qu'elles contiennent, alors qu'elles prêteraient plutôt à hurler si l'on devait en faire l'analyse. Mais il est vrai que bien peu de notaire doivent les lire, autrement qu'en diagonale et à l'occasion d'un rendez-vous.

De l'absence de portabilité et d'évolutivité
Les systèmes actuels ont été conçus :
-pour un système d'exploitation déterminé (certains concepteurs commencent à abandonner MacOs, et pratiquement aucun ne développe sous Linux, qui présente pourtant une alternative extrèmement intéressante -et gratuite-),
-pour fonctionner avec une base de données spécifique (et quelquefois, périmée et obsolète, dès la conception),
-autour d'un logiciel déterminé,
-généralement sous forme d'instructions (appelées macros).
Cela emporte des conséquences assez considérables :
-votre système n'est pas transportable sur un autre système. Si vous êtes sous Windows, vous ne pourrez pas passer sous Linux, et à chaque évolution de Windows, vous continuerez à verser des royalties à Microsoft (sans parler de tous les autres problèmes : nombreuses failles de sécurité, bugs, mises à jour continuelles),
-vos données seront difficilement récupérables et transportables sur une base de données autre que celles que vous détenez (et là encore, il est fort probable que votre base de données sera payante -même si elle est obsolète-, alors qu'il en existe d'excellentes gratuites),
-le logiciel que vous avez acquis peut parfaitement se retrouver incapable d'évoluer, les macros n'étant pas, ou très difficilement, transposables.
Vous voilà donc quasiment prisonnier de la SSII avec qui vous aurez traité au départ, et obligé de la suivre, que ses logiciels évoluent ou non.
Ce problème n'est pas propre au traitement des actes, et se retrouve intégralement avec nos programmes comptables.
Tout cela conduit à une autre conséquence : personne n'investit dans la recherche en vue d'aller plus loin, et de réaliser par exemple des systèmes intégrant totalement la gestion d'un office, faute de standard, ainsi qu'en raison des investissements à réaliser, et surtout, de la remise en cause des programmes ou logiciels actuellement existants. Il semble donc préférable pour nos SSII de faire jouer les prolongations à leurs logiciels existants.
Susbiste une dernière difficulté : les SSII sont des sociétés commerciales, qui ne sont pas à l'abri soit d'une cessation d'activité, soit de prise en main par d'autres sociétés ou capitaux pouvant parfaitement être "hostiles" à la profession, ou pour qui l'activité "notariat" ne sera que l'infime portion d'un groupe financier.

Dérives
En très peu de temps, nous sommes passés d'un monde à un autre, et nous assistons à nombre de dérives :
-nos actes sont devenus des monstres ventripotents, où plus personne (même pas nous), ne s'y retrouve, dans un labyrinthe de clauses plus ou moins utiles ou redondantes,
-chaque nouveauté législative apporte son lot de clauses, pensées généralement par des juristes n'ayant aucun sens du concis,
-il n'est pas rare que des textes législatifs entiers soient rapportés in-extenso, alors que rien n'y oblige,
-nous ne cessons pas, comme des enfants, de réclamer à nos SSII, la dernière mouture en matière de mise à jour, attendant toujours la clause miracle,
-plus personne ne se préoccupe de l'emplacement des clauses, et du respect de la trame de nos actes,
-des loupés, au niveau texte, rédactionnel ou même juridique, et des contradictions, y trouvent facilement place, sans que personne ne s'en émeuve,
-la technique du "question/réponse", outre des résultats souvent fort inélégants en finale, ôte à nos clercs toute réflexion, concentrés qu'ils sont sur leur questionnaire qui n'a pas tout prévu,
-plus personne ne sait rédiger correctement, même une simple clause,
-le respect du français, voire de l'ortographe, et l'assemblage correct de phrases, sont bien entendu, totalement facultatifs.

Risques et conséquences
Sommes-nous encore des "rédacteurs", ou de simples assembleurs presse-boutons, et nos actes reflètent-ils véritablement encore la volonté des parties ou ne sont-ils qu'une longue litanie de clauses parmi lesquelles le client doit quelquefois choisir...? On peut être en droit de se poser la question.
Quelques décisions de justice ont déjà commencé à analyser les clauses de nos actes (issues de bibles connues), comme étant de simples clauses de style, et donc, totalement inopérantes.
Et ce n'est peut-être qu'un début, car nombre de "loupés" ne font pas l'objet d'actions de la part de nos clients.
Par ailleurs, et même si la quasi totalité de nos clients n'est pas à même de juger de la qualité de nos actes, ceux-ci sont (devraient être), la vitrine de notre savoir-faire, et nous devrions placer un point d'honneur à établir des actes clairs, concis et bien faits, un peu comme un artisan peut-être fier du travail qu'il vient de réaliser.

Quiproquos
Le plus curieux, est que la situation semble le résultat d'une suite de quiproquos :
-les notaires attendaient de l'informatique, qu'elle fasse tout (beaucoup d'entre nous focalisent sur la capacité de leur système à "sortir" les sous-produits...), et de nos bibles, qu'elles prévoient tout,
-la plupart d'entre nous sont convaincus que leur système de traitement des actes est un système "intelligent", alors qu'il n'est en réalité qu'une simple assistance à la rédaction,
-nous nous sommes totalement déchargés de nos formules sur les SSII,
-plus on complique les textes, plus il est facile de rajouter de clauses avec l'ordinateur, et plus on complique ce qui est compliqué....,
-chacun, notaire, SSII, juriste, réfléchit à la petite (ou grande) clause qui manque, mais personne ne se soucie d'avoir une vision globale (ce n'est malheureusement pas propre à notre profession).
De plus, à nous concentrer sur nos fiches à remplir (et nos multitudes de contrôles techniques et diagnostics), voilà que l'on en oublie notre objectif premier : assurer du premier coup la publication de notre acte au fichier immobilier. Nos clercs (ni nous), ne savons plus raisonner et réfléchir "publicité foncière".
Et voilà que le volume des refus et rejets ne cesse d'augmenter de manière préoccupante. Malheureusement, ce ne sont sans doute pas les quelques conventions de partenariat "qualité" conclues entre quelques chambres et l'administation qui y changeront grand'chose.

Tentatives
Cette dérive de nos formules, a amené l'administration a nous imposer des "règles du jeu" :
-tout d'abord, par la mise en place, il y a déjà quelques années, d'un cadre d'acte standardisé, dit "extrait d'acte", à respecter impérativement. Ce cadre devait servir de modèle pour une "normalisation" de différents autres types d'acte (dont plus personne ne parle).
-et plus récemment, par le découpage de nos actes en 2 parties, la première, devant seule se plier aux règles de la publicité foncière, la 2ème partie (censée contenir tout le superflu), bien qu'également publiée, n'y étant pas soumise (dans l'hypothèse d'un abandon complet de dépôt, mais rien n'a bougé).
Si l'on regarde nos actes, on peut sans doute parler de fiasco : l'extrait d'acte qui ne devait faire que 2 à 3 pages, en fait facilement le triple; quand à la 1ère partie, on y trouve quantité de clauses qui n'ont rien à y faire.
Heureusement que l'administration ne se montre pas tatillonne sur ce chapitre, et n'exige pas le respect intégral de ces normes, car pratiquement plus aucun acte ne franchirait le portail de la publicité foncière.

Mnémosyne
En vue de remédier à tout cela, la profession a mis sur pied une structure, qu'elle a appelée "Mémosyne", et qu'elle a richement dotée financièrement.
Celle-ci s'est orientée, non pas vers la solution de recherches techniques, mais s'est plutôt positionnée comme une nouvelle SSII.
Et le moins que l'on puisse dire, c'est que les débuts sont plutôt rudes, avec notamment une procédure en concurrence déloyale, et la démission forcée de son président.
Nous atteonds donc avec impatience de savoir si Mnémosyne tient toutes ses promesses???. Et espérons qu'elle n'ajoutera pas aux difficultés actuelles.

Informatisation de l'administration
Il ne faut pas non plus, passer sous silence l'informatisation de l'administration, et notamment des services liés au cadastre et à la publicité foncière.
Après Madère et Fidji, malgré leurs noms prometteurs, puis SPDC, qui ne sont pas des modèles du genre, nous allons très vite devoir utiliser télé@ctes, un système qui nous permettra d'assurer la publicité foncière de manière totalement dématérialisée.
Il est à craindre des cafouillages ou un manque de disponibilité du serveur (les serveurs informatiques SPDC ne travaillent pas tous les jours, ni tout le temps...), des manques de souplesse évidents (la publicité foncière se prête déjà difficilement à l'approximation, et l'informatique encore moins), et ce qui est à craindre, un accroissement de paperasserie boulimique (car seul "l'échange" de données sera dématérialisé, et parions qu'il y aura en finale, encore davantage de documents....)
A titre d'exemple :
-regardez ce que sont devenus nos états hypothécaires. Au lieu de l'antique cachet "néant", il nous est couramment délivré 10 à 20 pages, que l'on doit interpréter, plus, systématiquement, plusieurs pages en vue d'une hypothétique demande de renouvellement, qui ne servira qu'une fois sur cinquante demandes (c'est un peu le principe des services d'état civil pour les personnes nées à l'étranger, qui vous délivrent un numéro pour une prochaine fois....),
-essayez d'effectuer des formalités de publicité pour plusieurs dizaines de petites parcelles, comme cela est courant à la campagne,
-faites l'impossible pour rester connecté sur SPDC une fois que vous y êtes; une fois déconnecté, vous avec toutes les chances d'être refoulé lors de vos prochaines tentatives (et prévoyez vos créneaux horaires).
Mais le train est en marche, et il aura obligatoirement une conséquence non négligeable sur nos actes. Est-ce l'ordinateur qui décidera des refus et rejets ? Alors le pire est à venir.

page d'accueil bibliothèque d'actes notariés