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SOSNOTAIRES.COM
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09/03/2016
TARIF des notaires et loi Macron
ou l'apprenti sorcier
Tout d'abord :
-depuis 2001 que j'ai mis ce site en ligne, je n'ai jamais voulu aborder de problèmes politiques, considérant qu'ils n'avaient pas leur place ici,
-je n'ai rien contre Mr Macron, qui est jeune, apparemment talentueux, et qui veut faire bouger les choses, dans tous les sens.
Mais là, avec "sa" réforme du tarif des notaires, telle qu'il l'a décidée, il y a comme un problème, qui concerne la profession notariale et son avenir, mais aussi notre clientèle à qui on clame à cor et à cri, que les "frais de notaire" vont baisser.
Donc, en vue de "redonner du pouvoir d'achat" aux consommateurs (ce qui est fort louable), voilà que l'on vise, cette fois, les notaires.
C'est bien connu, ils gagnent TOUS très largement leur vie, et peuvent participer à l'effort demandé à tous les français.
Jusque-là, pourquoi pas.
Mais :
-on oublie de rappeler que les frais de notaire, c'est avant tout des impôts et taxes au profit du fisc, et que le notaire est un excellent collecteur d'impôts
-le tarif des notaires, fixé jusqu'à maintenant par la loi, s'impose à tous les notaires, qui ne peuvent pas prendre plus, ni moins
-l'objectif était d'interdire une concurrence déloyale entre les notaires, afin d'assurer la même qualité de service à tous.
Car, qui peut faire "cadeau" à un client, sinon les gros offices qui reçoivent en majorité de gros actes.
N'oublions pas que nombre de petits offices, à la campagne, en petite ville, ne voient JAMAIS ces gros actes, et leur marge bénéficiaire est très faible car portant sur des valeurs moindres.
Et voilà que la loi Macron vient introduire cette concurrence.
Mais que va-t'elle apporter? 150€ à 300€ d'économie selon les cas
Mais qui va en profiter ? Uniquement les gros actes, et donc les clients les plus aisés.
Pour rappel (ou info), le tarif des notaires a un immense mérite, dont il peut s'enorgueillir, et qui pourrait être cité en exemple :
-les honoraires versés au notaire ne sont pas fonction du travail effectué (ce qui conduirait à facturer les petits actes à des coûts pharamineux), mais des capitaux exprimés
-le tarif est dégressif (plus la valeur du bien augmente, plus le pourcentage diminue)
-les actes dits "rentables" (portant sur des capitaux importants) sont destinés à compenser les "petits" actes, à perte.
Car, ne le perdons pas de vue, les notaires travaillent "à perte", plus souvent qu'on n'y pense.
Cela n'est pas très grave, si l'on est dans un office important, avec des biens d'une certaine valeur.
Mais cela peut devenir grave, voire catastrophique, lorsque l'étude reçoit un nombre trop important de petits actes, ce qui est le cas à la campagne et dans les petites villes.
Et là, la loi Macron voudrait que ces notaires, qui travaillent à perte, perdent encore davantage?
C'est de l'hérésie (et je pensais qu'il était interdit de vendre à perte...)
Personnellement, je ne conteste pas que :
-certains offices, tout simplement parce que "bien situés", profitent d'une sorte de privilège,
-le tarif puisse être modifié, mais si c'est pour précipiter à la chute nombre de petits offices, là, on est dans un jeu de massacre.
Et surtout, surtout, qui va profiter de cette loi Macron?
-les clients qui ont peu de moyens (c'est impossible),
-ou ceux disposant de moyens plus importants, et pouvant investir 500.000 ou 1M€, ou davantage.
Est-cela la justice sociale?
Marché de dupes
En réalité, que va économiser le client? 0,01% sur le montant total des frais.
Est-ce que cela va réellement lui redonner du pouvoir d'achat? Cela lui permettra au besoin de se rendre dans un bon restaurant, aux frais du notaire.
Et si en réalité, c'était en grande partie aux frais de la collectivité? Si le notaire effectue une baisse d'honoraires de 300€, sur lesquels il aurait été imposé à 45% (exemple), il y a un manque à gagner pour le fisc (compte tenu également de la perte TVA), de 195€.
Et ce manque à gagner pour le fisc, il va bien falloir le compenser. Et sur le dos de qui?
Par ailleurs, les notaires paient beaucoup de charges d'assurances et cotisations professionnelles.
Là aussi, il y aura baisse de ces cotisations, et là aussi, il faudra bien les compenser sur les autres notaires.
Beaucoup de notaires sont favorables à une modification du tarif, mais à condition de ne pas laisser sur le carreau les petits offices.
Quantité ont déjà disparu. Est-il indispensable que les autres disparaissent aussi, pour ne laisser place qu'à des mammouths en centre des grandes villes, où on ne connaît pas, et où on ne voit jamais le notaire?
Et qui va faire les petits actes : personne.
Désolé, clients de condition modeste, que l'on prétend vouloir protéger : cette loi (comme tant d'autres) va se retourner contre vous.
qui a parlé de simplifications ?
Enfin, et ce n'est pas la moindre des conséquences :
-cela va rajouter une couche de complexité au tarif des notaires, alors qu'il est déjà suffisamment complexe, incompréhensible pour un néophyte (et sans doute aussi pour nos ministres et technocrates), alors qu'il aurait eu besoin d'une réelle SIMPLIFICATION,
-les notaires et leurs clercs et employés, qui croûlent déjà sous quantité de tâches administratives imbéciles, vont encore perdre un temps considérable supplémentaire pour expliquer aux clients (qui ne comprendront pas qu'on ne puisse pas leur faire LA remise tant promise), ou seulement pour facturer ces honoraires yo-yo.
Mais le pire est sans doute à venir : jouer aux apprentis sorciers n'est pas forcément LA bonne formule pour faire évoluer les choses.
Si c'est cela la vision du notariat pour demain, alors je dis NON.
ET si le fisc commençait par supprimer toute taxation sur les petits actes?
le tour à qui?
Puisque nous sommes dans une démarche en vue de "redonner du pouvoir d'achat" au consommateur, allons jusqu'au bout des choses.
Si les 0,825% du notaire sont trop élevés, que dire des 8% de commission à un intermédiaire? Mais là, ne s'agissant pas d'une profession réglementée, sans doute que tout est normal, le client pouvant négocier(?)...
Mon avis personnel
Cette réforme "à la hussarde" , est dans tous les cas une véritable gabegie de temps, d'argent et d'énergie, sans aucun profit pour le "consommateur", qui ne peut se terminer qu'en fiasco.
Si Mr Macron voulait redonner du pouvoir d'achat, amener de la transparence, de la simplicité et de la justice sociale, c'est à une véritable REVOLUTION à laquelle il aurait pu (dû)se livrer.
Les notaires sont officiers publics, chargés d'une mission par l'état, mais payés par leurs clients.
Le ministre peut très bien fixer un tarif, et un seul, valable pour TOUS les actes du monopole (par exemple 1%, quelle que soit la valeur du bien).
Toutes les taxes au profit du fisc (ainsi que celle 0,10% dite pudiquement "de recouvrement", alors que ce sont les notaires qui font tout le travail), sont calculées ainsi, sans dégressivité.
Bien évidemment, le travail étant le même pour une vente à 10.000 ou 1 million d'euros, il faut ensuite corriger les inégalités entre les notaires, au moyen d'une caisse de compensation. Mais c'est alors un problème de répartition entre notaires, qui ne concerne pas le grand public, lequel aurait tout à y gagner.
JM MOREAU
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